Le plaisir de lire et de partager |
| | Vladimirovich Nabokov, Vladimir - Lolita | |
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| Auteur | Message |
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Cordelia Admin
Messages : 9403 Date d'inscription : 12/01/2013 Age : 50 Localisation : Liège
| Sujet: Vladimirovich Nabokov, Vladimir - Lolita Jeu 16 Mai - 19:36 | |
| [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Année d’éditions: 2001 Editions : Gallimard Nombres de pages: 467 Prix – Amazon: 23,75 € Grand format Quatrième de couverture :«Ainsi donc, aucun de nous deux n'est en vie au moment où le lecteur ouvre ce livre. Mais tant que le sang continue de battre dans cette main qui tient la plume, tu appartiens autant que moi à la bienheureuse matière, et je puis encore t'interpeller d'ici jusqu'en Alaska. Sois fidèle à ton Dick. Ne laisse aucun autre type te toucher. N'adresse pas la parole aux inconnus. J'espère que tu aimeras ton bébé. J'espère que ce sera un garçon. J'espère que ton mari d'opérette te traitera toujours bien, parce que autrement mon spectre viendra s'en prendre à lui, comme une fumée noire, comme un colosse dément, pour le déchiqueter jusqu'au moindre nerf. Et ne prends pas C.Q. en pitié. Il fallait choisir entre lui et H.H., et il était indispensable que H.H. survive au moins quelques mois de plus pour te faire vivre à jamais dans l'esprit des générations futures. Je pense aux aurochs et aux anges, au secret des pigments immuables, aux sonnets prophétiques, au refuge de l'art. Telle est la seule immortalité que toi et moi puissions partager, ma Lolita.» | |
| | | Mélusine
Messages : 2336 Date d'inscription : 03/02/2013 Localisation : Grenoble
| Sujet: Re: Vladimirovich Nabokov, Vladimir - Lolita Jeu 16 Mai - 20:38 | |
| Tiens, je vais justement regarder le film, ce soir!!!
Voici l'histoire d'un criminel, d'un pervers. Dès le départ, le narrateur se décrit lui-même comme un nympholepte, attiré par ce qu'il appelle les nymphettes, des rares préadolescentes pourvue d'un charme quasi démoniaque pour lui. Professeur de littérature, Humbert Humbert présente sa prose comme sa confession à la veille de son procès pour meurtre. Cherchant un endroit calme pour écrire, il s'installe chez Charlotte Haze, recommandé par un de ses amis. Et fait la connaissance de sa fille, Dolores Haze, douze ans, surnommée Lolita. Dévoré de désir et de passion, il n'a de cesse de se rapprocher de plus en plus de la jeune fille, tout en s'acharnant à protéger l'innocence de l'enfant et à faire en sorte qu'elle ne devine rien de ses pensées. Bien décidé à ne rien laisser s'interposer entre lui et Lolita, il épouse la mère, et lorsque celle-ci meurt, commence un long périple à travers l'Amérique où Lolita s'avère bien moins innocente qu'on ne le croyait. Le sujet même du livre fait scandale, puisqu'il s'agit ni plus ni moins d'une histoire de pédophilie. D'où l'impression de malaise diffus qui peut nous suivre lors de la lecture. J'ai trouvé l'histoire d'amour ou même la relation charnelle entre les deux personnages un peu plate. Il ne s'y passe pas grand-chose finalement. De plus, jamais on ne sait ce qui se passe dans la tête de Lolita de sorte qu'on n'accroche pas franchement à ce personnage. Ce que j'ai trouvé plus intéressant, c'est le personnage du narrateur, qui doit nécessairement paraître de l'extérieur comme détraqué, pervers, et qui s'avère un intellectuel raffiné, le gendre idéal, parfaitement intégré à la société, parfaitement conscient de ses désirs anormaux et des graves conséquences qu'ils peuvent avoir, déchiré entre sa passion et sa volonté de protéger Lolita de lui-même. J'aime bien les romans où le méchant est une horrible démon qu'on ne peut s'empêcher d'apprécier tout en le craignant. La prose est par ailleurs particulièrement soignée. Truffé de références culturelles et intertextuelles, ce livre est aussi un ouvrage très érudit qui réactive le motif d'une femme désirable et impossible à aimer, qui ne sert qu'à exciter le désir sans jamais susciter la procréation, qui révèle ce qu'il y a de pire en l'homme; freudien et analysable à souhait, il n'a pas fini de faire couler l'encre. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Vladimirovich Nabokov, Vladimir - Lolita Ven 17 Mai - 6:04 | |
| Mon avis :
Lolita se divise en deux temps, deux temps que j'ai mis à profit pour programmer ma lecture. En effet, je n'ai pas pu le lire d'une traite, ressentant le besoin urgent de lire en parallèle quelque chose de plus léger, de moins dramatique, de plus conforme aux mœurs en vigueur. Car Lolita n'est rien d'autre que le récit d'un amour désespéré pervers d'un homme d'une quarantaine d'années pour une fillette de douze ans. Difficile dans un tel cas de rester totalement détaché de la narration.
Encore que, durant la majeure partie de la première moitié du livre, cela ne pas "gênée" plus que cela. Comprenez-moi : le sujet est extrêmement malsain mais, tant que cela reste de l'ordre du platonique, admettons. Si j'ai eu un peu de mal à rentrer dans ma lecture (le début est en effet relativement laborieux, il m'a bien fallu une bonne cinquantaine de pages pour comprendre où l'on en était), j'ai finalement pris plaisir à découvrir le style véritablement merveilleux de Nabokov, et les pages se sont tournées toutes seules. Je me suis, bien malgré moi, attachée à Humbert, j'ai aimé suivre le courant de ses pensées et, je dois l'avouer... J'ai trouvé son amour pour Lolita tout simplement beau. Or, quand je me suis rendue compte de cela, j'ai été extrêmement mal à l'aise. Nabokov avait réussi à me faire oublier que l'objet de cette passion sans limite n'était qu'une enfant, et que je ne devais en aucun cas me laisser attendrir. Cette "prise de conscience" a coïncidé avec la fin de la première partie du livre, c'est à dire la fin de la relation platonique entre Humbert et Lolita, et le début de leur relation quasi incestueuse. C'en fut trop pour moi, et je laissais là ce roman si ambivalent pour me changer les idées avec quelque chose de bien plus innocent.
J'y revins environ une semaine plus tard avec, je dois le dire, une certaine appréhension. Malgré cela, je m'y suis replongée relativement facilement et, comme lors de ma première lecture, j'ai oublié assez vite à qui j'avais affaire. Pourtant, cette deuxième partie est bien plus "hard" que la précédente, même si rien n'est clairement dit. En vérité, ce qui m'a le plus dérangée, c'est le comportement de... Lolita. Et oui. Nabokov inverse les rôles et ce n'est plus la jeune fille que l'on plaint, mais bien son "bourreau". Ses paroles et ses actes sont si dérangeants, si contradictoires avec son âge que je n'ai pu m'apitoyer sur son sort. Elle est d'une telle froideur... J'aurais trouvé plus "normal" qu'elle pleure et demande grâce à Humbert. Or, loin de tout cela, on pourrait croire qu'elle... profite de la situation. Humbert mentionne ainsi la mise en place d'un système de "gratifications", autrement dit la mendicité de quelques faveurs en échange d'un nouveau vêtement, de telle ou telle liberté. J'ai trouvé ça pire que tout. Ses manières calculatrices m'ont fait horreur, et j'ai été jusqu'à plaindre Humbert d'être tombé sous le charme de cette "nymphette". Or, et l'on s'en rend compte à la fin de l'ouvrage, Lolita est bien plus que cela : c'est un personnage extrêmement complexe aux masques multiples, qui n'a trouvé aucun autre moyen pour se protéger que de jouer avec l'amour de son ravisseur. On sent poindre sa sensibilité à divers moments, sa souffrance est fréquemment palpable, même si tout cela est passé sous silence par les airs qu'elle se donne. Quand j'ai compris tout cela, ma lecture a pris une toute autre dimension, et je regrette de ne pas m'en être aperçue plus tôt. Il s'agissait uniquement d'une pauvre gamine un peu trop aguicheuse, un peu trop en avance sur son âge, une gamine qui a eu le malheur de croiser la mauvaise personne. Et je crois pouvoir dire sans me tromper que c'est exactement la même chose pour Humbert : à n'en pas douter, il est tombé désespérément amoureux de cette enfant, d'un amour si vain et si impossible que s'en est effrayant. Il est prêt à perdre toute dignité pour obtenir ses faveurs, des faveurs données toujours avec réticence et dégoût. Et si l'extase est bel et bien là quand il obtient enfin ce qu'il désire, la chute n'en est que plus terrible.
Je ne saurais décrire avec quelle justesse Nabokov donne vie à ses deux personnages, c'est bluffant. Ils sont tous deux si complexes, si creusés... Nous sommes très loin de ces héros superficiels et passe-partout que l'on retrouve bien trop souvent dans la littérature contemporaine. Ils sont tous deux si noirs, et pourtant si touchants, que le lecteur ne peut savoir sur quel pied danser. Je vous disais lors de ma chronique sur Raison en sentiments que j'avais redécouvert avec plaisir que tous les livres ne se livraient pas dès la première ligne, qu'il fallait persévérer dans sa lecture pour en saisir toutes les nuances, pour l'apprécier pleinement. Force m'est de dire que cette affirmation prend tout son sens avec ce roman, qui pourra en rebuter plus d'un de par son sujet si délicat. Et pourtant, je ne peux que vous le conseiller. Ce livre m'a touchée en plein cœur, je suis certaine de le garder encore en mémoire dans une cinquantaine d'années. Je ne sais comment vous dire à quel point sa profondeur m'a bouleversée, moi qui pensais ne jamais pouvoir passer outre mes réticences. J'aurais voulu pouvoir vous dire qu'il ne s'agissait que d'un torchon, que Vladimir Nabokov n'était décidément pas très clair pour écrire de telles horreurs mais... Il su sublimé un sujet foncièrement malsain, transformer une pâte infâme en un véritable délice et, pour cela, je lui tire mon chapeau. Merci, Monsieur Nabokov, pour m'avoir fait passer par tout un panel d'émotions contradictoires, pour m'avoir emportée pendant de nombreuses heures, pour m'avoir fait froncer les sourcils, hausser le coeur, sourire aux anges et monter les larmes aux yeux. Merci pour m'avoir confortée dans ma bonne opinion des classiques, merci pour ce moment hors du temps. Merci pour ce coup de cœur irréel.
En bref, une lecture incroyable qui m'a laissée pantelante, agitée de sentiments contraires et inconciliables, bluffée d'avoir été ainsi séduite par un roman au sujet si malsain. |
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| Sujet: Re: Vladimirovich Nabokov, Vladimir - Lolita | |
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