Drôle d’univers que celui où Joss et son père vivent. Ils sont si mignons, ces M’eaux. Ces étranges petites entités que Joss récolte avec précaution et application. Ils ne sont pas si sauvages, mais il faut en prendre grand soin. Leur métamorphose est toujours précieuse et remarquable. Cueilleur de M’eaux est donc une activité qui apporte son lot d’émotion et de découvertes et leurs incarnations sont à traiter avec autant de respect: il faut des aptitudes spéciales. Il se trouve d’ailleurs que les M’eaux vont mal: ils se raréfient, certains sont même retrouvés en piteux état. Les récolteurs sont donc mobilisés pour savoir ce qui se passe. Nous autres humains sommes bien déconcertés par cet univers, et c’est bien normal. Mais ne vous inquiétez pas, Joss vous expliquera tout. D’ailleurs, si nous connaissons mal son monde, lui connaît très bien le nôtre, grâce aux M’eaux. Mais très bientôt deux personnes bien de chez nous vont se retrouver catapultées dans ce monde-là. Et une fois la porte ouvert, le tourbillon n’a pas fini de nous entraîner dans les méandres d’une drôle d’intrigue où l’on ne sait plus vraiment qui fait partie de quel monde.
En voilà un OLNI (Objet Littéraire Non Identifié)! Je dois avouer que j’ai été agréablement surprise et que j’ai mis un bon moment à comprendre de quoi il retournait. L’auteur prend le pari de nous mener en bateau et de nous balader, et le pari est réussi. J’ai beaucoup aimé m’interroger, me creuser la tête pour essayer de comprendre ce qu’étaient ces M’eaux, comment ils fonctionnaient, et lorsque j’ai enfin compris, j’ai eu envie de me taper la tête contre le mur tellement cela me paraissait évident. Tout se met en place avec une ingéniosité assez bluffante et je me suis bien amusée à essayer de décoder le petit monde mis en place par Hélène Pequignat.
Et lorsqu’on a enfin pris ses marques, tout change: nous voici propulsé dans un autre univers, le nôtre, qui va entrer en collision avec celui de Joss. Je ne peux pas vous en dire plus parce que tout le plaisir est dans la découverte des tunnels, des liens, des mises en abyme d’un univers à l’autre et des mystères qui les relient. On ne cesse de se demander où est la réalité et où est l’imaginaire, quel personnage appartient à quel monde et à quel moment on s’est fait avoir en pensant être dans l’histoire ou dans une histoire inventée par un personnage que l’on n’a pas encore découvert. Les révélations se multiplient et l’on n’est jamais dans l’histoire à laquelle on pensait.
Le seul bémol que j’apporterai est que ce tome a les défauts d’un premier tome: il présente le concept, vous permet de découvrir cet univers de papier par une mécanique bien construite, mais ne va pas réellement au bout d’une intrigue et n’apporte que peu de réponses. Heureusement, il existe un deuxième tome qui, je l’espère, mettra moins en avant cette mécanique et plus les intrigues qui peuvent en découler. Il mériterait, en outre, une bien plus jolie couverture.