Un week-end sur deux, Sébastien le passe chez son père. D’habitude, ils partent aux aurores le samedi matin pour rejoindre la maison de campagne, à deux heures et demie de route. Mais là, le plombier a dit qu’il passerait vendredi soir, pas plus tard que vingt heures. Alors il y a urgence: départ à dix-sept heures, comme des centaines d’autres véhicules qui viennent créer un embouteillage sur l’autoroute. Le père décide de prendre la nationale et de rouler à tombeau ouvert. La voiture traverse les petits villages, la nuit tombe doucement, et à peine cinq kilomètres avant d’arriver, c’est le choc. Sébastien a juste eu le temps d’apercevoir ses yeux briller et sa jupe voler pour savoir qu’une femme a été fauchée. Son père ne s’est pas arrêté. Il a continué, les mains crispés sur le volant. Et répète à son fils qu’il ne s’est rien passé. Quelque part au bord de la route, Loïc, dix-sept ans, a accepté d’accompagner sa mère dîner chez des amis voisins. A peine est-il descendu de voiture qu’il la voit projetée en l’air et retomber lourdement sur la chaussée. Heureusement, elle s’en sort, mais complètement amnésique, elle ne reconnaît plus son propre fils.
Le livre raconte l’événement des deux points de vue, celui de Sébastien et celui de Loïc, en chapitres alternés. J’ai beaucoup aimé: cela rend la lecture très dynamique. On découvre alternativement les malaises de ces deux victimes collatérales de l’accident: Loïc, témoin et complice malgré lui d’un père qu’il ne veut pas trahir, et Sébastien, contraint d’assumer à la fois son travail et les exercices de mémoire de sa mère. Les angles choisis sont donc très intéressants et touchants, mais sans excès de larmoiement ni de drame: les deux garçons ne s’effondrent pas, ne font pas de crise, mais essaient, tâtonnent, tentent sans savoir vraiment comment s’y prendre. L’empathie n’en est que plus forte, notamment lorsqu’ils se rencontrent: en effet, tentant de savoir si son père est un meurtrier ou pas, Sébastien se rapproche de Loïc qui ignore son identité. La gestion du traumatisme se complique encore, et j’ai été impatiente de savoir à quel moment la vérité éclaterait.
J’ai été cependant très surprise par le personnage du père, sa capacité à occulter les événements, à continuer comme si de rien n’était et surtout à faire semblant de ne pas comprendre pourquoi son fils reste traumatisé. C’est l’une des forces de ce roman: la manière de dépeindre en subtilité comment chacun réagit face à un accident terrible. Est-ce si facile de ne pas prendre la fuite après avoir mis en danger ainsi la vie d’autrui? Bref et intense, ce roman est d’une profondeur psychologique très intéressante.
Un très bon moment! Sachez d’ailleurs que ce roman a été adapté en téléfilm par France 2, avec Eric Cantonna dans le rôle du père, et qu’il devrait être diffusé prochaînement!