Une fois n’est pas coutume, le commissaire Guillaume Suitaume a pris des vacances. Enfin, il y a un peu été forcé: sa soeur Colchique l’a entraîné dans une escapade en Bretagne, histoire de changer les idées à Charlotte-Axelle sa nièce d’humeur encore plus noire que d’habitude après s’être amourachée d’un caïd qui vient de tomber sous les verrous pour trafic de stupéfiant. Mais lors d’une balade, il aperçoit des uniformes et des gyrophares. Un meurtre? A Saint-Malo? De quoi lui changer un peu les idées de ses délires familiaux. Et il y a de quoi faire: un homme en slip est apparu, mort, criblé de flèches. Personne ne sait de qui il peut s’agir. Plus effarant encore: l’autopsie et les analyses affirment que cet homme n’a pas d’ADN. Au même moment, à Paris, Epistaline Breloch, jeune archéologue, voit débarquer dans son appartement un autre individu en slip qui ne trouve rien de mieux à faire que de mourir dans son salon. Et celui-ci est visiblement mort étranglé par une main qui se trouve toujours accrochée à son cou, sectionnée net au poignet. Heureusement, au Quai des Orfèvres, c’est la talentueuse et sculpturale Purdey Prune qui assure le remplacement du patron et qui va se charger d’enquêter sur ce mort-là.
Encore un gros délire qui fait du bien. Les deux enquêtes menées de front sont bien évidemment liées (au cas où la présence de deux morts en slip à deux endroits différents ne vous l’ait pas encore soufflé) et on suit, par chapitres alternés, les tentatives d’assistance de Suitaume à la police de Saint-Malo, et les incompréhensions de Purdey qui la mènent jusqu’à un musée allemand. C’est dynamique, et plaisant car on a l’impression d’avoir un petit coup d’avance sur chaque enquêteur puisqu’on sait ce que l’autre a trouvé. Les archéologues que sont Epistaline Breloch, sa mère Balla Breloch et leur plus vieil ami Sandor Ovolan-Chauffard (oui, c’est du lourd en matière de patronyme dans cet opus) étant spécialisés dans le langage celtique, on devine bien vite que c’est autour d’eux qu’il faudra chercher les raisons de l’apparition des deux cadavres, et qu’un peu de merveilleux antique est à prévoir.
Mais ne vous inquiétez pas, en matière de situations rocambolesques, vous serez servis! Car si Suitaume commence par fuir les assauts amoureux de l’hôtelière Edith Nantes en apportant son aide au commissaire Laure Cédutoch et au gendarme Merlin Lenchanteur (je vous avais dit qu’on y allait fort sur les noms), Purdey ne sera pas en reste non plus à devoir ajouter à son mort la disparition de Balla Breloch et son lien avec Jean Tienhune, un archéologue autrefois disparu lui aussi tout en évitant un rapprochement policier un poil trop fraternel avec la police allemande incarné par l’inspecteur… Derrick. Bref: on s’amuse, ça part dans tous les sens, on ne cesse d’aller de révélations en révélations (“Ton père n’existe pas! Enfin si, il existe, mais je ne suis pas ta mère!”) et on s’amuse avec un narrateur qui ne cesse d’intervenir pour nous rappeler que les coïncidences, il n’aime pas ça, qu’il nous fait grâce de l’accent allemand à l’écrit façon Balzac pour nous éviter d’avoir l’air ridicule en lisant son livre à voix haute dans le métro, ou encore qu’il faut lire les pages suivantes trèèèèès lentement pour mimer le ralenti dramatique cinéma.