Gudule - La Baby-sitter

Ce week-end, maman confie Cyril et Violette, ses jumeaux d’une dizaine d’année, à la baby-sitter. Bon, ce n’est pas la même que d’habitude, mais Lucie a l’air sympathique et fiable, et l’agence l’a chaudement recommandé. Elle connaît toutes sortes d’histoire, des contes qui fascinent et qui font frissonner. Les enfants en raffolent. De plus, Lucie est étudiante en théâtre, alors elle ponctue ses histoires d’attitudes et de mises en scènes qui les rendent criantes de réalisme. On s’y croit, dans cette forêt sombre où le Petit chaperon rouge croise un loup à l’haleine fétide de charnier. Les enfants sont quand même un peu déstabilisés, tant Lucie semble prise dans son histoire et prête à se transformer en sorcière ou en ogresse. Ils ne savent pas que ces contes font resurgir en elle des souvenirs terrifiants. Une chute dans la forêt, la nuit, un prédateur à ses trousses, sans échappatoire possible. Des souvenirs traumatisants qui s’insinuent dans la réalité. Allons, ne nous laissons pas aller! Les enfants proposent un pique-nique dans une clairière où ils ont l’habitude d’aller jouer. A leur demande, Lucie entame une autre histoire. Peau d’Ane? Le Petit Poucet? L’une comme l’autre peuvent faire frémir… Les souvenirs ressurgissent: la course-poursuite, les morts, la peur… Et si son prédateur était de retour, là, dans cette forêt, prêt à se déguiser en petit enfant pour la tromper et parvenir à ses fins?

Ce très court roman sait faire effet en peu de pages. Très vite, on bascule dans le véritable récit d’horreur, le roman noir, avec un rythme qui ne laisse aucun répit. La baby-sitter perd pied peu à peu, bascule dans une folie totale, et l’on se retrouve sans problème dans la peau de ces deux enfants livrés aux mains d’une véritable furie. J’ai même éprouvé un réel malaise quand la maman, inquiète, cherche à joindre ses enfants et ne trouve qu’un téléphone muet. Gudule va là assez loin, car elle exploite là le pire cauchemar d’une mère qui confie ses enfants à quelqu’un, avec le pire des scénario qui soit. Le roman fait donc une profonde impression et je me suis demandée, sur le coup, si cela n’allait pas me faire lâcher le livre. J’interprète cela comme un gage de qualité: le roman bouscule et remue!
Mais l’originalité de ce petit roman est de relier le thème classique de la baby-sitter qui devient folle avec celui des contes de fées qu’elle raconte. Petit à petit, chaque histoire est l’occasion de replonger dans un des souvenirs traumatisants de Lucie. Le Petit Chaperon Rouge qui trouve sa grand-mère baignant dans une mare de sang et le Loup dans le lit… La Vilaine Belle-mère qui déteste Blanche-Neige et charge le Chasseur de la tuer… Le Petit Poucet perdu en Forêt, poursuivi par l’ogre… Avec virtuosité, Gudule fait prendre corps et épaisseur à chacun de ces contes et la transition entre le conte et le souvenir est bluffante de cohérence. On replonge dans les peurs infantiles, primaires, dans une ambiance qui frôle le fantastique, et on redonne toute sa noirceur au Grand Méchant Loup qui s’en prend aux enfants innocents, les transformant eux-mêmes en Grand Méchant Loup.

Mon avis :

Pour des raisons professionnelles, Papa et Maman sont contraints de s’absenter le temps d’un week-end. Or, la baby-sitter à laquelle ils font habituellement appel pour garder Cyril et Violette, leurs jumeaux de neuf ans, n’est pas disponible. Mais l’agence leur envoie Lucie, en leur assurant qu’il s’agit d’une jeune femme très expérimentée et très appréciée des enfants. Et en effet, dès l’arrivée de cette dernière, le courant passe tout de suite. Les enfants qui raffolent d’histoires lui demandent de leur en raconter, et la baby-sitter s’exécute. Néanmoins, on s’aperçoit vite que Lucie est un peu déséquilibrée, puisque cette étudiante en théâtre prend des postures, des mimiques effrayantes au fur et à mesure qu’elle relate ces contes, n’hésitant pas à insister sur des détails relativement choquants, ou à se transformer en sorcière ou en ogre. Mais le lecteur ne tarde pas à découvrir que la baby-sitter fait en réalité un amalgame entre ces récits pour enfants et son propre passé. Ainsi, elle n’est peut-être pas si recommandable que ça. Pire, la vie des enfants est peut-être en danger !

J’ai trouvé le thème de ce roman intéressant, mais surtout bien exploité. L’angoisse monte crescendo, et on découvre petit à petit qu’il y a quelque chose qui n’est pas normal dans le comportement de Lucie. Des apartés au récit mettant cette dernière en scène nous expliquent qu’elle a été pourchassée, qu’elle a peur, mais aussi qu’elle veut se venger. Il lui arrive également de perdre le contrôle lorsqu’elle est avec les enfants ; c’est ainsi qu’elle attrape un couteau dans le but de trancher la gorge de Cyril.

Outre une intrigue rondement menée, certaines descriptions font froid dans le dos. Tout d’abord, lorsque la baby-sitter leur raconte des contes de fées, il faut avouer qu’elle ne néglige pas sur les détails. Ainsi, alors qu’elle est censée faire frémir les enfants, les descriptions qu’elle propose ont de quoi terroriser ces jeunes bambins et mettre le lecteur relativement mal à l’aise. Elle nous permet donc de revoir nos classiques : Blanche Neige, Barbe bleue, Le Petit Chaperon rouge, ou encore Le Petit Poucet. Mais je pense que ce qui m’a le plus gênée est la description de la décomposition d’un cadavre. Là, c’est franchement gore. Et vu que je suis plutôt peureuse, j’ai marché à fond ! D’ailleurs, je pense que je vais y penser encore quelques jours…

La brièveté de ce récit ne l’en rend que plus efficace, plus dérangeant, l’ambiance étant vraiment pesante. On craint page après page pour la vie des enfants, s’attendant à tout. On ne s’attarde pas vraiment sur les détails et nos héros passent leur temps à échapper à des tortionnaires, imaginaires ou bien réels. D’ailleurs, il arrive que les rôles entre victimes et bourreaux s’inversent. C’est donc un ouvrage à découvrir, pour le plaisir de frissonner d’effroi !