En Italie, Azaka a épousé Mariagrazia et ils attendent leur premier enfant. Lorsque le sol italien tremble, chacun réagit à sa manière. Mariagrazia tient, malgré sa grossesse avancé, à rendre visite à son mari sur son lieu de travail. Mais pour Azaka, les choses sont un peu plus profondes. Ce séisme le pousse à se retourner sur son histoire. Sur sa rencontre avec Mariagrazia, l’Italienne célibataire un peu trop tardive au goût de sa famille, au fort caractère. Sur le racisme d’une Italie qui voit l’immigration augmenter de jour en jour. Et surtout, le souvenir de son enfance en Haïti, ou à l’âge de dix ans, il a déjà vécu un séisme, bien plus fort et bien plus terrifiant: il est resté bloqué sous les décombres, trois jours, à appeler à l’aide et à espérer que son père vienne le sauver. Alors évidemment, ce nouveau séisme, presque vingt ans plus tard, lui laisse une amertume toute particulière.
J’ai dévoré ce roman. Je me suis beaucoup attachée à ce couple atypique. Elle, l’Italienne grande gueule en quête d’indépendance mais rattrapée par une société traditionnaliste. Lui, l’immigré qui a tout laissé là-bas, qui s’est fait sa place à force d’humilité et de travail, discret et conciliant. L’évocation de leur mariage, où le marié ne connaît que deux des cent cinquante invités et où ses belles-soeurs ont choisi tout le mobilier de sa chambre, m’a beaucoup amusée. L’Italie est évoquée avec beaucoup de tendresse, de chaleur, d’humour aussi, dans toutes ses contradictions puisqu’elle rassemble la parole de ceux qui voient les immigrés venir se comporter n’importe comment et ceux qui ont été bien content de pouvoir être immigrés chez les autres.
Le moment le plus poignant est bien sûr cette description d’Haïti détruite par le tremblement de terre. La peur, les pleurs, la solitude de l’enfant enfermé sous les décombres m’ont fait retenir mon souffle. Le drame révèle tous les malaises, toutes les fêlures qui couvaient auparavant. Ce sont des paysages apocalyptiques qui montrent Haïti détruite, avec des cadavres alignés sur le bord de la route, des maisons effondrées sur elles-mêmes… Bien évidemment, l’actualité récente donne un tout autre souffle à ces visions qui semblent à la fois trop réelles et inimaginables.
Le rythme choisi est de plus particulièrement efficace. Dès le début, le narrateur se place après la catastrophe. On sait donc que la fin va nous révéler une autre horreur, dont nous sommes en train de découvrir les prémisses à court et à long terme. Je n’ai eu de cesse d’imaginer jusqu’où ce livre allait donc pouvoir nous emmener, ce qu’il nous réservait pour la fin. J’ai totalement adhéré.