Les Anciens Dieux Romains ont perdu du terrain face au nouveau christianisme. Les oracles, ceux qui communiquent avec les divinités, sont pourchassés. C’est pour cela que Thya, jeune oracle, a fui. A ses trousses, son frère, ambitieux et cruel. Ce qu’elle ignore encore, c’est que les dieux eux-mêmes sont à sa recherche, notamment Hécate, la sombre magicienne. Alors elle part à la rencontre des quelques membres de sa famille encore en vie, qui pourront l’éclairer sur les visions qui l’assaillent. A ses côtés, son oncle, oracle lui aussi, et surtout Enoch, le jeune node magicien, inquiet face à ses pouvoirs qui lui demandent tant d’énergie.
J’ai retrouvé avec un très grand plaisir l’univers d’Estelle Faye, et surtout Enoch qui était un de mes personnages préférés. Secondaire au début, il prend cependant de l’importance en arrière-plan, non seulement par les forces qu’il manipule, mais surtout par la relation qu’il entretient avec Thya: soutien discret mais toujours présent, il semble un compagnon acquis jusqu’à ce qu’il disparaisse et précipite le durcissement de Thya et son évolution. Ce qui me plaît surtout, c’est son originalité: maquilleur de son état, coiffeur à ses moments perdus, c’est lui, et non Thya, qui apporte le raffinement et l’élégance, le comble pour un barbare. Il rappelle aussi que le monde antique est loin d’être uniforme, qu’il regroupe toutes sortes de peuples, de croyances, d’apparences, bien loin de ce modèle romain que nous avons appris à l’école.
Là où ce tome approfondit et donne de l’ampleur à un personnage que je trouve particulièrement attachant, il permet aussi à la série de se renouveler efficacement. Les dieux et créatures s’avancent franchement au coeur de l’intrigue cette fois-ci, posent leurs pions, appellent leurs alliés et s’organisent. De dieux mineurs en véritables icônes du panthéon romain, on les voit réapparaître, bien abîmés, mais avec une puissance véritable qui couve malgré la décadence, qu’il s’agisse de l’enivrante influence de Dionysos ou de la grandeur solaire d’Apollon.
Le roman bascule aussi dans le road-movie à l’antique puisque Thya nous entraîne à travers l’Europe, que je n’imaginais pas si vaste, si colorée et si différente de celle qui forme notre histoire bien franco-centrée. Des rues de Constantinople aux montagnes enneigées, les paysages, les hommes et les ambiances se succèdent, chacun avec ses croyances aussi et sa propre histoire. Une invitation au voyage réussie.