Mon avis : je dois vous le dire, tous les ingrédients d'un bon thriller sont réunis ici : tension, originalité, mystère, confusion, meurtres sordides... Et ce style, bon dieu ! Je n'ai pas vu un seul défaut. Si je ne m'étais pas fait spoiler deux ou trois détails importants par l'auteur lui-même, cela aurait été un coup de coeur.
Moi-même, je ne vais pas pouvoir faire cette chronique sans un minimum de spoilers. Un tout petit peu, c'est promis, et encore, ils ne seront pas fondamentaux. Si vous souhaitez vous lancer dans cette lecture avec un œil neuf et exempt de tout a-priori, je ne vous conseille pas de lire la suite, ou tout du moins le résumé qui suit. Pour les autres, je tâcherai bien évidemment de ne pas trop vous en dévoiler.
Thomas Harris est un jeune étudiant fauché, orphelin depuis ses dix ans, et trainant une particularité physique des plus... gênantes : l'un de ses yeux est recouvert d'un voile blanc. Autant dire que le pauvre garçon n'est clairement pas gâté par la vie. Habitué à être rejeté par ses pairs, c'est avec surprise qu'il accueille le soudain empressement de l'une de ses professeurs à l'aider dans ses études. Car Thomas est brillant. C'est ainsi qu'il va obtenir un stage dans un prestigieux journal, et être chargé de suivre une affaire extrêmement sordide : le meurtre sans tâche de jeunes garçons. Peu de temps après les premiers meurtres, un étrange livre va être publié, déclenchant l'engouement des foules : Le manuel du Serial Killer. D'une horreur sans limite, le "manuel" présente LA méthode devant être utilisée par tout bon serial killer. Et comporte d'étranges ressemblances avec l'affaire en cours...
Voilà, le tableau est posé. Comme le titre le laisse présager, l'élément principal de ce thriller est bien évidemment ce mystérieux manuel. Qui, quoi, comment, personne ne le sait. Enfin, il y a bien une piste, mais elle semble bien trop grosse pour être vraie. Sans compter que la position omnisciente du lecteur nous laisse à penser qu'il y a là manipulation. Le fait est que quelqu'un l'a bel et bien écrit, quelqu'un qui ne peut être sans responsabilité dans les différents meurtres survenus peu avant la publication du Manuel. Et, aux yeux de la police, ce quelqu'un pourrait bien être Thomas. Dès lors, le jeune homme ne va plus avoir qu'une seule idée en tête : prouver son innocence. Nous allons donc le suivre dans ses recherches, épaulé par Sophie, une jeune femme perspicace et mystérieuse.
Il me fut très difficile de m'attacher à un quelconque personnage. Oh, j'aurais bien aimé, hein ! Mais on ne peut s'empêcher de se méfier d'eux. Tous, sans aucune exception. Quand ils font leur entrée dans le roman, ils sont plutôt sympathiques. Et, plus on avance dans notre lecture, plus le doute s'insinue dans notre esprit. Et si...
Thomas, en particulier, est le personnage prêtant le plus à confusion. Même si tous les indices laissés par l'auteur semblent le dédouaner, on ne peut s'empêcher de l'imaginer dans la peau du parfait serial killer. Et pourtant, j'ai tout de même ressenti une étrange proximité avec lui, je m'y suis attachée d'une certaine manière... Tout en pensant qu'il y avait là quelque chose de fondamentalement malsain.
Ce thriller présente trois types de textes : l'enquête en elle-même, menée à la première personne et à travers le regard de Thomas, les rapports des entretiens psychiatriques du jeune homme et des passages du manuel, le tout présenté via des typographies différentes. Et, plus on avance, plus on est dans le flou. Plus on crève d'envie de continuer, plus la tension devient insupportable. La faute à qui ? A Frédéric Mars bien sûr, qui joue avec nos nerfs en nous offrant un tableau en "trompe-l’œil" qu'il modifie sans cesse. Impossible de s'y retrouver. Et quand on croit avoir deviné, on tombe des nues. Et rebelote. Jusqu'à la toute fin. On s’attendrait presque, après avoir refermé le livre, à voir surgir une dernière page avec marqué "Tu y as cru, hein ? Et bien non !".
Si les 100 premières pages se lisent plutôt tranquillement, vous pouvez oublier votre repas de famille si vous avez décidé de le commencer un dimanche matin : passé le premier quart du livre, il m'a été impossible de décrocher (d'où les cernes de panda que je me trainais le lendemain). La tension grimpe tout du long, je n'avais qu'une seule idée en tête : arriver au bout du livre pour connaitre enfin la vérité. Vérité qui m'a bluffée, soi dit en passant. Alors, M. Mars, je vous tire mon chapeau, parce que j'aime ça, moi, être bluffée, surprise, emportée, happée, menée en bateau et voir finalement toutes mes hypothèses s'écrouler en une seule phrase.
En bref, un thriller complexe d'une force dingue, qui ne laisse au lecteur aucun répit. Frédéric Mars frappe un grand coup, nous promettant de grandes heures de frissons avec cette nouvelle collection.