Paul Sheldon, écrivain a succès, se réveille après un accident de voiture. Ses jambes le font atrocement souffrir, il ne sait pas vraiment où il est. Une femme est à son chevet. Elle s’appelle Annie Wilkes. C’est elle qui l’a trouvé après l’accident. Or Annie Wilkes est sa plus grande lectrice, son admiratrice numéro un, et surtout une grande fan de Misery Chastain, l’héroïne des romances que Sheldon pond au kilomètre depuis des années. Alors lorsqu’elle a constaté à qui elle avait affaire, Annie Wilkes l’a emmené dans sa maison. Sheldon ne tarde pas à remarquer qu’Annie semble ne pas avoir toute sa tête. Des absences, des réactions imprévisibles et surtout, son intention claire de le garder et de lui fournir des antidouleurs plutôt que de l’emmener à l’hôpital. Annie a d’ailleurs trouvé dans la voiture son dernier manuscrit, un roman qui n’a rien à voir avec les romans à l’eau de rose de Misery, un vrai roman. Elle l’a lu, et elle déteste. Trop vulgaire, trop sérieux. Elle ne jure que par Misery. D’ailleurs, elle n’a pas encore fini le dernier tome, Misery’s Child. Assommé par la situation, complètement drogué aux antidouleurs qu’elle distribue avarement, Sheldon prend conscience du risque: cette folle ne sait pas encore que dans le dernier tome, l’écrivain, lassé de sa sous-littérature, a tué son héroïne. La réaction ne se fait pas attendre: Annie l’oblige à écrire le tome suivant, le retour de Misery.
Il y avait longtemps que je me disais qu’il fallait découvrir cette histoire d’un écrivain confronté à sa lectrice la plus soumise à son art qui est aussi la plus folle. Et je dois dire que je ne m’attendais pas tout à fait à ça.
J’ai adoré le personnage de Paul Sheldon. Il comprend très vite que pour survivre, il va lui falloir jouer son rôle, écrire l’histoire pour que la tortionnaire ait encore besoin de lui, et qu’il est en train de jouer les Shéhérazades modernes en version sale et glauque. Tantôt persuadé que l’on va bientôt se rendre compte de sa disparition, tantôt convaincu que sa dernière heure est arrivée, décrivant avec précision les douleurs et les délires dans lesquels il plonge, le personnage est pathétique au possible et l’on n’imagine pas une seule seconde jusqu’où cette horrible aventure va le mener. On suit son attirance-répulsion pour la machine à écrire déglinguée fournie par Annie. On suit les nouvelles pages de Misery qui sortent de la machine, et Stephen King se révèle très efficace pour passer d’un roman d’horreur pure à une romance historique dramatisée à souhait. Car Annie se montre, au début du livre, une lectrice exigeante, qui refuse que l’héroïne réapparaisse par magie et exige une résurrection crédible et construite qui ne prenne pas son lecteur pour un idiot. Folle, peut-être, mais idiote, certainement pas.
Mais avant d’être un roman sur les lectrices, ce roman est un roman sur la folie. Et j’ai trouvé que l’histoire de la lectrice et de l’écrivain, suffisamment glauque elle-même, était un peu trop souvent en retrait par rapport à des scènes de réflexion, de délire, d’introspection qui n’apprennent pas grand chose et qui ralentissent cruellement l’action et la tension dans un huis-clos déjà peu propice aux grandes accélérations. Heureusement, d’autres scènes extrêmement intenses m’ont fait froid dans le dos: j’ai tremblé avec Sheldon qui explore la maison à la recherche de médicaments en tendant l’oreille pour ne pas se faire surprendre, ou lorsque les policiers s’intéressent enfin à la maison d’Annie et que celle-ci met tous les moyens en oeuvre pour préserver sa séquestration, y compris les plus sanglants. Le roman bascule vite dans le gore absolu avec un ton froid et direct qui laisse le lecteur assez démuni.