En Provence, l’eau est une denrée plus précieuse encore que l’or. Mais elle est rare et convoitée. Ugolin, un jeune paysan des Bastides Blanches, a un ambitieux projet: cultiver des oeillets, une fleur recherchée qui peut faire sa fortune. Mais pour mener à bien cette juteuse entreprise, il a besoin d’eau. Il confie ses inquiétudes à son oncle, dit le Papet. Ils savent que sur la propriété d’un vieux paysan, une source inconnue du cadastre pourrait bien être leur salut, car comme elle ne figure sur aucun document, elle ne fait pas grimper le prix de la terre. Encore faut-il que le propriétaire veuille vendre… Et lorsqu’après une mauvaise chute plus ou moins accidentelle, il meurt, tous les espoirs sont permis. Oui, mais sa fille, la Florette, qui avait quitté la région, a eu un fils, Jean, un homme de la ville. Qui profite de cet héritage pour venir s’installer aux Bastides Blanches avec sa femme, Aimée, et la petite Manon. Plein d’enthousiasme pour ce qu’il considère comme une nouvelle vie au vert, il plante beaucoup et compte sur ses récoltes pour vivre. Oui, mais il n’a pas prévu que l’eau lui manquerait tant… S’il savait ce que cache sa propriété au lieu de se tuer au travail…
Bien loin de l’esprit bon enfant de son autre série de roman si connue, ce dyptique de L’Eau des Collines nous décrit un univers cruel. La guerre de l’eau est littéralement déclarée et sous le soleil de plomb et l’air débonnaire des provençaux se cache une volonté et une détermination indéfectible, surtout lorsqu’il s’agit de montrer à un homme de la ville que le premier venu ne peut pas se pointer et apprivoiser l’eau des collines au nez et à la barbe des enfants du pays. Avec froideur et dureté, Ugolin et son oncle laissent Jean mourir à petit feu, tué par cette maison qui aurait dû le rendre heureux.
C’est donc une curieuse ambiance que nous propose ici Marcel Pagnol, une ambiance douce-amère, qui mélange une odeur provençale de douceur de vivre que Jean pensait précisément trouver aux Bastides, et qu’Ugolin feint de lui apporter pour mieux le tromper, et véritable complot, piège qui se referme sur le malheureux. Ca fait froid dans le dos et l’on espère tout le long du livre que le brave Ugolin va enfin se rendre compte de la gravité de son projet. Présenté comme l’ennemi, Jean ne peut qu’attirer la pitié par sa naïveté, la manière dont il croit à la bonté profonde des gens qui l’entoure. On ne peut s’empêcher de le plaindre et d’espérer, ne serait-ce que pour la petite Manon qui voit son père littéralement tué par les Bastides Blanches. Le mélange entre la Douce France du Terroir et la cruauté à l’égard de l’étranger est poignant.